Vers une reconnaissance des réalités et une valorisation des perspectives, des savoirs et des cultures autochtones dans les programmes de formation
Tradition orale
L’oralité occupe un rôle essentiel pour garder vivants les savoirs et les pratiques traditionnels (Archibald, 2008). Elle constitue un puissant outil de décolonisation qui permet de mettre en lumière l’histoire occultée38.
« Pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire […], transmis de génération en génération, et [recréés] en permanence par les communautés en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire. »UNESCO, 2014, p. 1
Relation au territoire
La relation des Premiers Peuples au territoire constitue la fondation des mythes de la création, des croyances spirituelles et des cosmovisions autochtones. Le rôle de protection de la Terre-Mère est donc au cœur de l’identité culturelle autochtone67. De ce fait, l’éducation des Premiers Peuples se réalise toujours par, pour et avec le territoire ancestral.
« Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants. »Parole de sagesse
Place des aînées et aînés
Pour les Premiers Peuples, les aînées et aînés sont les détenteurs et les gardiens des savoirs traditionnels. Ils assument une importante fonction décisionnelle au sein de leur communauté, où leur place est hautement respectée, dans une posture de révérence. Traditionnellement, les aînées et aînés occupent un rôle prépondérant dans l’éducation des enfants68.
La reconnaissance des savoirs autochtones
Depuis des temps immémoriaux, les savoirs se transmettent de génération en génération chez les Premiers Peuples, assurant ainsi la survie et le mieux-être des familles autant par les pratiques de la chasse, la fabrication des outils, des vêtements et des abris que par la conservation des aliments, en passant par les contes et les légendes, l’utilisation des plantes médicinales, etc. Les savoirs autochtones ont tous pour but la « guérison » et la mise en place de solutions aux différents défis rencontrés dans la vie. Avec la sédentarisation et les pratiques d’assimilation, les savoirs traditionnels ont été dénigrés et mis de côté. La valorisation des perspectives autochtones dans le cursus passe aussi par la reconnaissance du savoir autochtone, du savoir des aînés et de la tradition orale.
À la base de ces savoirs, nous trouvons l’observation, qui est pourtant considérée par la recherche comme une méthode de collecte de données35. De nombreuses découvertes faites par les Premiers Peuples sont aussi à l’origine de plusieurs avancées technologiques et scientifiques. L’observation astronomique, les bienfaits thérapeutiques de la savoyane36 et la confection des raquettes, des paniers d’écorce et des traineaux à chiens en sont quelques exemples. De manière encore plus éloquente, la localisation, en 2014 et 2016, des épaves des navires de l’expédition de Franklin, disparus depuis 1845, a pu être possible grâce à l’analyse des récits et des témoignages inuit37.
Selon les porteurs de savoirs traditionnels consultés, la reconnaissance des savoirs autochtones ne peut s’accomplir que grâce à l’éducation. Or, il semblerait que les personnes enseignantes se sentent peu outillées pour aborder ce sujet par crainte d’appropriation culturelle, par anxiété de performance, par peur de perdre le contrôle, par culpabilité coloniale, parce qu’ils ne sont pas des experts en la matière, n’ayant bien souvent pas été formés en ce sens. Qui plus est, développer une compétence interculturelle est non seulement un engagement professionnel, mais il s’agit davantage d’un processus axé sur des changements de paradigmes impliquant des valeurs, une empathie et une ouverture d’esprit qui transcendent le cadre du travail.
Pour reconnaître la valeur des savoirs autochtones, il faut :
- Revenir aux sources (d’où viennent les savoirs, quels sont leurs fondements, etc.);
- S’inspirer de la résilience des Premiers Peuples, c’est-à-dire la capacité d’avancer malgré les épreuves. C’est une volonté intrinsèque qui accompagne notre vision de la vie que malgré les échecs, nous continuons vers ce à quoi nous croyons (justice et vérité);
- Présenter un récit historique neutre, vidé d’ethnocentrisme, sans gagnant ni perdant;
- Miser sur les valeurs d’humilité, de partage, d’amour et de respect.
Vers une vision holistique de l’éducation
Pour mieux comprendre les perspectives autochtones et voir comment leur redonner leur juste place au sein de l’école québécoise, il importe de saisir les différentes dimensions composant ce que nous appelons « l’épistémologie autochtone », ou la façon dont les savoirs sont produits chez les Premiers Peuples. Au fondement de cette épistémologie, nous trouvons l’indissociable lien entre le savoir et le sacré39. Cela explique pourquoi le rapport au savoir autochtone considère le réel comme un ensemble d’interrelations indissociables entre les humains, le monde animal, le territoire matériel et immatériel, le monde animé et inanimé, incluant les ancêtres, et l’univers des rêves40. Cette vision du monde est qualifiée « d’holistique », car elle tient compte de l’équilibre entre les dimensions mentale, physique, émotionnelle et relationnelle de la personne. Cette épistémologie est ancrée dans un contexte marqué par des siècles de colonialisme et d’oppression. Les luttes autochtones ainsi que les processus de réaffirmation identitaire et de réappropriation culturelle teintent les rapports entre les savoirs traditionnels et les savoirs dits « occidentaux » ou « modernes ».
Dans une visée de rapprochement nécessaire à la réparation des torts causés par l’histoire coloniale, il existe des pistes et des initiatives pertinentes pour susciter l’intérêt, la motivation, le plaisir d’apprendre et le sentiment d’appartenance essentiels à la persévérance scolaire et à la réussite éducative des élèves autochtones. Un des premiers éléments à considérer est d’assurer la sécurisation culturelle et sociale de ces élèves autochtones41, notamment en considérant et en valorisant les langues et les cultures autochtones dans l’établissement scolaire42 ou encore en s’inspirant de la pédagogie autochtone, et ce, au bénéfice de tous les élèves43.