École québécoise : mise en contexte sociohistorique
Ce bref survol historique permet de comprendre en quoi la succession des modèles éducatifs de la société québécoise entre en rupture avec les fondements de l’éducation autochtone afin de saisir la nécessité de valoriser les perspectives autochtones dans les programmes de formation actuels de manière respectueuse et culturellement pertinente.
L’école québécoise, telle qu’on la connaît aujourd’hui, est issue de la Révolution tranquille des années 1960, qui a entre autres permis la sécularisation et la modernisation du système d’éducation, lequel s’est dès lors tourné vers l’avenir tout en mettant à l’avant-plan la culture québécoise2. L’ambition était de démocratiser l’école afin de la rendre accessible au plus grand nombre et ainsi d’augmenter le niveau de scolarité en vue de former les prochaines générations de travailleuses et de travailleurs, ce qui allait contribuer à enrichir la société québécoise dans son ensemble.
Au début des années 1970, le nouveau Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ) se met en place. Les contenus disciplinaires sont alors envisagés à l’intérieur d’un programme-cadre fournissant des guides pour orienter le travail de la personne enseignante, qui dispose d’une grande marge de manœuvre. Rapidement contesté, le PFEQ en vient rapidement à intégrer des fondements béhavioristes3 et la pédagogie par objectifs, qui découpent et morcellent les contenus d’apprentissage en objectifs prescriptifs abordés de manière progressive pour les différents domaines disciplinaires. Ces domaines disciplinaires demeurent très cloisonnés et aucune communication interdisciplinaire4 n’est envisagée. De plus, les objectifs sont définis en termes de comportements à atteindre et doivent ainsi être observables, mesurables et quantifiables. Ce mode d’apprentissage cartésien renvoie à une forme de pensée linéaire orientée vers un but et une idée de progrès. Il ne trouve pas écho et entre en rupture avec les principes de la pédagogie autochtone, qui envisage le monde de manière cyclique, holistique et centrée sur les besoins essentiels de l’humain, notamment pour sa vie en territoire ainsi que sur le mieux-être individuel et collectif.
Le renouveau pédagogique des années 2000 apporte un changement de paradigme en adoptant non plus une approche par objectifs, mais une approche par compétences ainsi que la pédagogie par projets. Plus holistique, cette approche repose sur des visées humanistes, constructivistes et socioconstructivistes des apprentissages5 qui se rapprochent davantage des préoccupations et des orientations autochtones en matière d’éducation6.
Toutefois, malgré cette évolution du système éducatif québécois depuis sa création, et bien que les pratiques éducatives se soient diversifiées, la pensée linéaire est encore bien présente dans les écoles québécoises, et ce, en parallèle avec une pensée eurocentrée qui impose une vision du monde où les valeurs européennes et occidentales issues de la colonisation sont considérées comme normales et supérieures aux autres7. Il en résulte un effacement des autres cultures, la négation de leurs particularités et le rejet de leur langue maternelle.